Une question majeure a retenu mon attention dans toutes les réunions sur l'agriculture à petite échelle auxquelles j'ai assisté, y compris la session de concertation en ligne sur les perspectives régionales : les aspects de la dimension sociale de l'agriculture à petite échelle, liés au genre et aux jeunes. Nous devons changer notre approche concernant la pratique de l'agriculture par les femmes et les jeunes. Nous devons cesser de croire que pour une l'agriculture plus accessible et plus inclusive, la solution serait de résoudre le problème des femmes et des jeunes. Les femmes et les jeunes sont déjà aptes et travaillent dans le secteur, prêts à jouer des rôles plus importants. Nous devons plutôt corriger ces problèmes et arranger ces systèmes qui les empêchent d'avancer. Je m'intéresse de près à l'inclusion significative des femmes et des jeunes dans l'agriculture et je suis convaincu qu'il serait négligent de concevoir dans les débats un avenir de l'agriculture à petite échelle en Afrique sans eux.
Collaborer avec les femmes et les jeunes
Une des certitudes est que ce n'est qu'en donnant des moyens aux jeunes et aux femmes engagés dans l'agriculture et en reconnaissant et en respectant leurs droits qu'il sera possible de parvenir à construire un secteur agricole à petite échelle durable et inclusif. Cependant, lorsque nous parlons d'agriculture à petite échelle, nous la caractérisons souvent par la superficie des terres ou de l'exploitation, ignorant certaines différences énormes basées sur des aspects comme, le sexe (homme ou femme) et l'âge (jeune ou vieux) de l'exploitant, le responsable de l'exploitation, la provenance et le nombre de travailleurs. Ce sont des dimensions sur lesquelles nous devons réellement réfléchir, parce que sans quoi nous ratons certaines tendances qui s'affirment. Par exemple, contrairement aux arguments actuels selon lesquels l'âge des agriculteurs africains tournerait autour de 50 et 60 ans, la démographie des exploitations agricoles de petite échelle change et davantage de jeunes s'engagent dans l'agriculture et ses activités connexes. Des résultats d'un travail de recherche publiés quelques années auparavant par le Centre international pour la recherche sur le développement indiquaient que 11 % des jeunes étaient intéressés par l'agriculture, dans la région. Inversement, des études plus récentes montrent que l'âge moyen de l'agriculteur est de 34 à 45 ans. Nous devons donc nous pencher sérieusement sur les dimensions sociales de l'agriculture, parce que certains de ces groupes sont confrontés à des difficultés spécifiques qui sont souvent ignorées.
Les femmes, par exemple n'ont pas accès aux ressources productives, aux intrants agricoles, à l'information, aux finances, aux services, aux marchés, à la protection sociale, encore moins au savoir-faire technologique et entrepreneurial. Elles sont également typiquement les principales aidantes naturelles dans les ménages, ce qui suggère qu'elles supportent de lourdes charges de travail qui réduisent leur capacité productive et leur bien-être général, en particulier à la suite de la pandémie de la Covid-19. Par ailleurs, des normes sociales et stéréotypes handicapants sur ce que les femmes peuvent faire et doivent faire persistent dans de nombreux pays. Concernant les jeunes, le transfert intergénérationnel des terres ne s'effectue pas, ainsi la plupart cultivent des terres auxquelles ils n'ont aucun droit et cette situation touche davantage les jeunes femmes.
Voix absentes
Nous savons que lorsque les femmes et les jeunes ont un meilleur accès aux ressources, aux services, aux perspectives économiques et à la prise de décision, les communautés ont plus nourriture, leur situation nutritionnelle s'améliore, les revenus ruraux augmentent et les systèmes alimentaires deviennent plus efficients et plus durables. Ainsi, de toute évidence, certes les femmes et les jeunes de la région ont besoin de l'agriculture, mais l'agriculture africaine a également besoin d'eux. Cependant, ils sont souvent absents du débat sur les politiques et des programmes agricoles d'envergure. Nous devons réfléchir sérieusement de manière critique sur l'absence de ces jeunes et la persistance de la notion de petits exploitants agricoles, comme s'ils n'étaient définis que par la taille de leurs exploitations. Nous devons commencer à résoudre certains de ces problèmes et veiller à ce que les femmes soient visibles. Il est également nécessaire d'apporter des preuves mieux définies sur la différence de traitement entre les hommes et les femmes dans le secteur agricole et sur la manière dont différentes politiques agricoles affectent les femmes. Nous devons reconnaître l'existence de présomptions et de stéréotypes profonds concernant les femmes, intégrés dans les politiques agricoles ainsi que leur impact sur ces dernières et l'agriculture. Pour assurer le développement de l'agriculture à petite échelle, nous devons rendre ces politiques plus sensibles aux sexo-spécificités et ensuite passer à l'étape suivante de leur mise en œuvre.
En d'autres termes, nous devons résoudre les problèmes du secteur de l'agriculture à petite échelle, à la satisfaction de tous ses acteurs et commencer à redéfinir les caractéristiques sociales de ces agriculteurs, au-delà de leur nombre et de la taille de leurs exploitations.
Nous devons également agir de manière décisive. Les femmes et les jeunes ne seront en mesure travailler en leaders dans le secteur et permettre à ce dernier de réaliser son plein potentiel d'avancement que lorsque les règles liées au sexe, formelles et informelles, créant et renforçant les inégalités, notamment l'accès aux ressources, au revenu et au degré d'autorité pour les hommes et les femmes auront changé.
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Cet article de blog a été initialement posté sur le site web de future agriculture