Comment les voix des femmes peuvent-elles être amplifiées dans une situation de normes patriarcales dominantes ? Plus important encore, que faut-il faire pour que ces voix soient non seulement entendues, mais aussi prises en compte ?
Une nouvelle note d'information de l'IFPRI, du programme de recherche du CGIAR sur les politiques, les institutions et les marchés (PIM) dirigé par l'IFPRI et de la plateforme GENDER du CGIAR apporte un éclairage important à la conversation autour de ces questions. Il résume les résultats du projet de cartographie de la société civile au Mali, où, comme dans une grande partie de l'Afrique, les organisations de la société civile (OSC) jouent un rôle essentiel en aidant les citoyens à s'organiser et à poursuivre des objectifs communs, souvent dans le but de responsabiliser les autorités locales. Les résultats indiquent que les femmes maliennes ont des taux de participation élevés dans presque tous les types d'OSC, mais suggèrent qu'elles rencontrent des difficultés pour traduire cette participation en influence politique.
Pourquoi se focaliser sur le genre ?
Comme dans de nombreux pays en développement, il existe au Mali un fossé entre les sexes en matière de connaissances et de participation civiques, que le renforcement du leadership civique des OSC de femmes pourrait contribuer à atténuer. L'équipe de projet a donc analysé un large éventail d'OSC actives au niveau local, en ciblant spécifiquement leur composition par sexe. Au Mali, les femmes sont souvent très organisées au niveau local - souvent dans des groupes d'entraide ou des organisations liées aux activités économiques. Cependant, en partie à cause de cette orientation économique, ces groupes ne sont souvent pas reconnus par les acteurs extérieurs comme étant des OSC viables, malgré leurs réseaux solides et leur infrastructure de groupe. En analysant le profil complet des OSC maliennes et le rôle des femmes dans ces organisations, le projet vise à comprendre comment ce capital social pourrait être mieux utilisé.
Résultats
Au total, 757 répondants (34% de femmes et 66% d'hommes) ont été interrogés dans le cadre du projet, couvrant 58 communes (40 rurales et 18 urbaines). Les communes sélectionnées couvrent des régions du nord, du sud et du centre du pays, notamment Gao, Kayes, Koulikoro, Mopti, Ségou, Sikasso et Tombouctou. Il a été demandé aux participants d'énumérer jusqu'à huit des OSC les plus actives actuellement en activité dans leur commune. Les répondants ont été invités à prendre en compte les OSC informelles qui peuvent jouer le même rôle que les OSC plus formelles.
Les répondants ont nommé un total de 4 893 OSC, soit une moyenne de 6,5 OSC par répondant. Comme le montre la figure 1, 1 179 d'entre elles étaient des OSC exclusivement féminines, 738 étaient exclusivement masculines et 2 144 étaient des OSC mixtes (comprenant des membres masculins et féminins et dirigées par l'un ou l'autre sexe).
Ces OSC ont des objectifs différents : économiques, de services publics, civiques-politiques, sociaux, et autres (regroupements effectués par les auteurs sur la base d'une question ouverte posée aux répondants). Les OSC axées sur l'économie et les services publics sont de loin les types les plus courants.
Pour chacune des cinq catégories d'objectifs, les OSC exclusivement féminines sont plus nombreuses que les OSC exclusivement masculines, à une exception près : Pour les groupes civiques-politiques, 32% sont des OSC d'hommes, alors que seulement 18% sont des OSC de femmes, et la moitié restante sont des OSC mixtes (Figure 6). Les groupes de femmes sont moins susceptibles de s'engager en politique, ce qui reflète d'autres résultats indiquant un fossé omniprésent entre les sexes dans presque toutes les formes de participation politique.
Les auteurs trouvent des données solides indiquant que les femmes disposent d'une capacité de coordination et d'un capital social importants - et ce, dans tous les groupes, quel que soit leur objectif.
Conclusions et leçons politiques
Ces résultats suggèrent que le manque de capital social ou de capacité d'organisation ne sont pas susceptibles d'être des limites contraignantes à la participation civique des femmes au Mali. Au contraire, la plus grande contrainte semble être de traduire la participation des groupes de femmes en un engagement civique et politique effectif.
Les leçons tirées des recherches précédentes peuvent éclairer ce défi. Les facteurs qui ont conduit à une participation politique accrue des femmes en Afrique comprennent la proliféraNIStion des groupes de mouvements féminins, les opportunités d'éducation, l'autonomisation économique et le plaidoyer de la société civile. Une plus grande autonomie socio-économique, mesurée par la mobilité en dehors du village et la participation à la prise de décision au sein du foyer, est corrélée à une plus grande connaissance de la politique, à des opinions politiques et à un soutien aux politiques en faveur des femmes en milieu rural.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les stratégies les plus efficaces pour convertir la capacité organisationnelle des femmes en engagement civique et politique, ainsi que les groupes et les environnements concernés. Des études de cas sur les OSC dirigées par des femmes qui ont particulièrement bien réussi seraient particulièrement utiles pour révéler les facteurs qui permettent à ces groupes d'agir et de se faire entendre. Enfin, il est nécessaire de travailler davantage, de manière générale, sur les moteurs de l'action collective des femmes et de développer des méthodes et des outils rigoureux pour la mesurer.
Katrina Kosecest chargée de recherche principale à la division Stratégie de développement et gouvernance de l'IFPRI ; Evgeniya Anisimova est responsable des communications pour le programme de recherche du CGIAR sur les politiques, les institutions et les marchés (PIM).
Cette recherche a été financée en partie par la plateforme GENDER du CGIAR, le PIM, l'Institut Helen Kellogg pour les études internationales et le Bureau de la recherche de l'Université de Notre Dame, et l'Institut Scowcroft des affaires internationales de la Bush School of Government and Public Service de l'Université A&M du Texas.