La pandémie de COVID-19 a eu des impacts significatifs sur la santé publique, la croissance économique et les moyens de subsistance en Afrique - bien que ceux-ci restent jusqu'à présent moins graves que dans d'autres régions.
Les effets de cette pandémie ont été abordés le 10 mai dernier, lors d'une discussion virtuelle sur l'Afrique dans le cadre du rapport de l'IFPRI sur la politique alimentaire mondiale. Les chercheurs de l'IFPRI, ainsi que des experts gouvernementaux et des partenaires régionaux, ont présenté les principales conclusions du rapport et proposé des solutions pour améliorer la résilience post-Covid des économies des pays africains.
''En matière de santé et de nutrition, la pandémie a créé beaucoup d'inégalités et de faiblesses dans nos systèmes alimentaires, et elle nous rappelle la vulnérabilité des populations pauvres. Je sais que nous sommes encore plus éloignés de la réalisation des objectifs de développement durable en 2030", a déclaré Jemimah Njuki, directrice de l'IFPRI pour l'Afrique, dans son discours d'ouverture.
Le directeur général de l'IFPRI, Johan Swinnen, a souligné que le rapport montre que "beaucoup d'efforts ont été déployés pour réduire la pauvreté, la faim et les effets du changement climatique au cours des dernières décennies. Le COVID-19 a également eu des répercussions sur la santé et la nutrition. Il y a eu des perturbations dans les chaînes de valeur alimentaires qui sont ressenties dans les pays pauvres, entraînant un déclin économique."
En outre, selon John McDermott, directeur du programme de recherche du CGIAR sur l'agriculture pour la nutrition et la santé (A4NH), dans le contexte de la pandémie, il y a "beaucoup d'optimisme en 2021 concernant la croissance du PIB."
Pourquoi les impacts de la pandémie sur la santé publique ont-ils été relativement moins durs en Afrique qu’ailleurs ? "Les principales raisons sont liées à la jeunesse de sa population, et à son climat relativement plus chaud", a déclaré Samuel Benin, directeur adjoint de l'IFPRI pour l'Afrique, en passant en revue les conclusions du rapport sur l'Afrique.
Au sein du continent, la pandémie a frappé plus sévèrement l'Afrique du Nord et Australe que les autres régions, a-t-il précisé, en particulier les pays fortement connectés à d'autres pays comme l'Égypte et l'Afrique du Sud. Le taux de vaccination contre le COVID-19 est également faible par rapport à d'autres régions du monde, a-t-il noté. Mais "de nombreux pays ont mis en œuvre des politiques visant à réduire l'impact de la pandémie en aidant les ménages et les entreprises vulnérables", a-t-il ajouté.
Younoussa Mballo, conseiller technique et coordinateur du projet PROVALE-CV au ministère de l'Agriculture et de l'Equipement rural du Sénégal, a souligné que la pandémie a eu un impact sur l'agriculture, en particulier l'horticulture, ainsi que sur le bétail suite à la fermeture des marchés hebdomadaires. Il a indiqué que le gouvernement a mis en place un programme de résilience, en augmentant le budget de son ministère de 50%, à 60 milliards de francs CFA (112 millions de dollars).
Mohamed El Kersh, du ministère égyptien de l'agriculture, a déclaré que la pandémie a entraîné une baisse du commerce international, notamment dans de nombreux pays dépendant de l'importation de produits agricoles et de matières premières. Ceci a eu un impact sur le secteur agricole, et en particulier sur les petits producteurs, a-t-il dit. "En Égypte, nous avons essayé de trouver des solutions en termes de connectivité pour faciliter la mobilité", a-t-il expliqué.
"Je soutiens cette transformation numérique pour réduire l'impact sur le secteur agricole", a-t-il ajouté.
Martin Fregene, directeur de l'agriculture et de l'agro-industrie à la Banque Africaine de Développement (BAD), a expliqué que le PAM a publié en avril un rapport montrant que 20 pays d'Afrique sont confrontés à une plus grande insécurité alimentaire en raison de la pandémie.
Lors d'une récente réunion de la BAD sur l'impact du COVID-19 et des récentes catastrophes naturelles sur l'Afrique, les participants ont décidé que les pays devaient prendre des mesures pour aider l'Afrique à se reconstruire et à être plus résiliente après la pandémie.
La BAD prévoit de lancer un programme de soutien aux agriculteurs lors du prochain sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires et s'est engagée à verser plus de 2 milliards de dollars pour accélérer la croissance et favoriser la sécurité alimentaire en Afrique.
"Je suis ici pour faire en sorte que les pays africains puissent fixer des objectifs et réunir des partenaires, mais aussi avoir une feuille de route, en termes de technologie alimentaire, tout en veillant à ce que l'obligation de rendre compte et la responsabilité soient un mot clé. Nous savons tous que le monde est une communauté et l'Afrique ne peut être laissée pour compte", a-t-il déclaré.
Chris Nikoi, directeur régional du Programme alimentaire mondial pour l'Afrique de l'Ouest, a averti que le risque d'une insécurité alimentaire accrue menace désormais 31 millions de personnes en Afrique, soit 150 fois plus qu'en 2019.
Les populations vulnérables ont été affectées de manière disproportionnée, a-t-il noté : On a constaté ''une forte augmentation des prix et de faibles revenus pour ces populations, en particulier [au] Liberia et en Sierra Leone''.
Les pays devraient renforcer la résilience et la réponse aux chocs en investissant dans des systèmes d'alerte précoce, a-t-il dit, et également soutenir les petites et moyennes entreprises locales en termes d'investissement, développer des réseaux de protection sociale, soutenir les efforts de politiques agricoles et coordonner les actions avec efficacité.
Lors de la session de questions-réponses, les panélistes ont recommandé de suivre la science en matière de santé publique, y compris le maintien des mesures sanitaires en attendant l'accès aux vaccins, et de renforcer la résilience économique en encourageant l'investissement à travers un environnement favorable.
Sokhna Sall Seck est spécialiste en communication au bureau régional de l'IFPRI pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre (WCAO) à Dakar.