DES ACTIONS AMBITIEUSES POUR L’éGALITé DES SEXES ET L’AUTONOMISATION DES FEMMES DANS LES SYSTèMES ALIMENTAIRES
par JEMIMAH NJUKI
Dans une région rurale d'Asie du Sud, une femme très entreprenante travaille environ 18 heures par jour pour nourrir et soigner sa famille. Cependant, bien qu'elle travaille au point de mettre sa propre santé en danger, elle ne reçoit qu'une fraction de son travail. La majeure partie de ses revenus va au propriétaire de la terre.
J'ai rencontré Kapilaben lors du Dialogue d'Asie du Sud sur les femmes, le travail et les systèmes alimentaires en avril de cette année. Dans un plaidoyer très passionné, elle a parlé de la vie des femmes petits producteurs en Inde, de leur lutte pour cultiver des terres sur lesquelles elles n'ont pas de droits, du manque d'accès à des services financiers qui leur conviennent et de l'exploitation sur les marchés.
Mais elle a également parlé du pouvoir des femmes qui s'organisent et amplifient leur voix. Le pouvoir des femmes qui possèdent leur propre entreprise. Elle a l'espoir que ceux qui travaillent dans les systèmes alimentaires puissent les entendre et les soutenir. Que ce sera le moment pour les femmes et les filles.
L'expérience de Kapilaben n'est pas unique. C'est l'histoire de millions de femmes.
Au cours des dix derniers mois, nous avons dialogué avec des femmes en Afrique, en Amérique latine, en Asie du Sud, en Europe et en Asie centrale.
Le message récurrent de chacune de ces femmes est que les systèmes alimentaires actuels ne fonctionnent pas pour elles. Ces systèmes alimentaires perpétuent les inégalités entre les genres qui sont renforcées par des normes sociales et de genre néfastes.
Elles ont demandé des engagements clairs et une action urgente pour rendre les systèmes alimentaires justes, transformateurs et équitables. Les femmes font déjà leur part du travail, elles comptent sur notre soutien pour rendre leurs actions visibles et transformatrices.
Ces femmes ont clairement indiqué qu'il ne s'agit plus d'un monde d'hommes. Elles ont également précisé qu'il ne s'agit pas non plus d'un monde de femmes. C'est NOTRE monde !
Comme Kapilaben en Inde, ces femmes, d'Antigua à la Zambie, du Belize au Népal, de la Finlande au Koweït, dans les villes et les villages, attendent de nous tous des actions audacieuses.
Mais à quoi ressemble concrètement un système alimentaire juste et équitable du point de vue du genre ?
Un système alimentaire juste et équitable est un système dans lequel les rôles des femmes passent de l'invisibilité à la visibilité.
Un système dans lequel les voix des femmes sont entendues et où leur leadership est amplifié.
C'est un système dans lequel les rôles, les responsabilités, les opportunités et les choix offerts aux femmes et aux filles ne sont pas prédéterminés par des rôles de genre restrictifs. Et c'est un système où les normes sociales et culturelles et les déséquilibres de pouvoir ne sont pas des barrières à l'entrée pour de nombreuses femmes et filles. Un système alimentaire juste et équitable est un système où les femmes s'épanouissent et ne se contentent pas de survivre.
Les femmes nous demandent de prendre des mesures intentionnelles pour mettre en œuvre des solutions qui rendront nos systèmes alimentaires justes, transformateurs et équitables.
En discutant avec des femmes du monde entier et en consultant des experts, le levier genre du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires a identifié des idées qui changent la donne. Je vais en mentionner cinq en priorité.
La première consiste à combler le fossé des ressources entre les genres et à accroître l'accès et les droits des femmes aux ressources et aux services. Il s'agit notamment des services de vulgarisation, de la sécurité d'occupation des terres, de l'accès aux technologies, y compris les technologies numériques.
La deuxième solution est la mise en place d'un mécanisme mondial pour suivre les progrès et tenir les organisations de systèmes alimentaires responsables de l'égalité des genres dans leur leadership, leurs politiques internes sur le lieu de travail et leurs résultats. Nous l'appelons Global Food 50/50 et nous le lancerons plus tard dans la soirée.
Troisièmement, la création d'une alliance d'institutions financières mondiales et nationales pour concevoir et mettre en œuvre des mécanismes financiers transformateurs de genre qui répondent aux besoins et aux priorités des femmes, et qui soutiennent leur autonomisation.
Quatrièmement, les États membres doivent prendre des engagements de gouvernance en matière d'égalité des genres et d'autonomisation des femmes dans les systèmes alimentaires en adoptant des politiques féministes en matière de systèmes alimentaires qui s'articulent autour de la budgétisation sensible au genre, du leadership des femmes et du suivi des résultats en matière de genre.
Le cinquième et dernier point est la garantie d'emplois décents et d'un salaire décent pour les femmes travaillant dans le système alimentaire.
Les femmes avec lesquelles nous avons parlé ont clairement indiqué que ce sont les solutions qu'elles souhaitent. Elles sont claires : les femmes ne sont pas le problème à résoudre. Ce sont nos systèmes alimentaires qu'il faut réparer.
Alors, qu'est-ce que nous demandons pour que cette transformation ait lieu ?
Nous recherchons des engagements de la part des gouvernements, de la société civile, du secteur privé et des donateurs, qu'ils soient présents ici aujourd'hui ou non, afin de soutenir ces solutions par le biais d'une coalition visant à mettre les systèmes alimentaires au service des femmes et des filles.
L'urgence d'agir sur l'inégalité des genres dans les systèmes alimentaires n'a jamais été aussi grande. L'inaction n'est pas une option.
Jemimah Njuki est directrice de l'IFPRI pour l'Afrique et gardienne du levier de l'égalité des genres et de l'autonomisation des femmes du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires 2021. Il s'agit d'une transcription des remarques formulées lors de la session du levier de l'égalité des genres du pré-Sommet de l'UNFSS, le 27 juillet.
