L’ÉTHIOPIE EST-ELLE ENTRAIN DE PASSER A COTE D’UNE OPPORTUNITE EN OR DE REMEDIER AU PHENOMENE DE LA FAIM INAPPARENTE? OPPORTUNITÉS ET DÉFIS DE LA BIOFORTIFICATION

L’ÉTHIOPIE EST-ELLE ENTRAIN DE PASSER A COTE D’UNE OPPORTUNITE EN OR DE REMEDIER AU PHENOMENE DE LA FAIM INAPPARENTE? OPPORTUNITÉS ET DÉFIS DE LA BIOFORTIFICATION

by adiouf | 6 November 2023

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Par Taddese Zerfu, Fantu Bachewe, Tirsit Genye, Meron Girma, Aregash Samuel, James Warner, & Cornelia van Zyl

La faim inapparente - l'épidémie silencieuse de carences en micronutriments - est due à la pauvreté et reste un problème de santé publique majeur dans les pays en développement. Plus de 3 milliards de personnes dans le monde, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine, n'ont tout simplement pas les moyens d'avoir une alimentation riche en vitamines et minéraux vitaux (micronutriments). La prévalence des carences en fer, en iode, en zinc, en vitamine A et en acide folique est alarmante dans le monde entier.

Les carences en micronutriments sont souvent dues à des régimes alimentaires de mauvaise qualité qui reposent essentiellement sur des aliments de base monotones et riches en amidon, dépourvus de micronutriments. L'augmentation de la diversité alimentaire, l'enrichissement des aliments, la supplémentation en micronutriments, la fermentation et d'autres formes de transformation des aliments, ainsi que d'autres stratégies ont été définies pour lutter contre l'épidémie cachée de carences en micronutriments.

Malgré certains progrès dans la réduction de la malnutrition chronique, l'Éthiopie reste un épicentre du triple fardeau de la malnutrition - sous-nutrition, surnutrition et carences en micronutriments. Pour remédier à ces dernières, le gouvernement a élaboré une directive nationale sur l'enrichissement des aliments, ciblant en particulier certains produits alimentaires tels que le blé et les huiles comestibles. Des programmes de supplémentation en vitamine A et en fer-acide folique, entre autres, sont également en cours. Toutefois, ces interventions sont principalement accessibles aux bénéficiaires urbains, de sorte que les couches vulnerables des zones rurales sont à peine couverts, ce qui crée des inégalités dans l'accès aux aliments enrichis en micronutriments. En outre, la diversité alimentaire des femmes et des enfants dans les zones rurales est généralement faible. Par conséquent, la biofortification, c'est-à-dire l'amélioration des cultures pour accroître leur valeur nutritionnelle, pourrait être une stratégie viable en Éthiopie pour combler les lacunes alimentaires et lutter contre les carences en micronutriments, en tenant compte des limites des interventions les mieux établies.

Notre étude récente, publiée dans le Food and Nutrition Bulletin, évalue le statut et les défis de la biofortification en Éthiopie. Elle révèle que cette pratique a le potentiel de résoudre le problème de la faim inapparente dans le pays, mais que pour être efficace, elle nécessite un plus grand engagement institutionnel de la part du gouvernement, des chercheurs et d'autres acteurs.

L'étude a utilisé une approche mixte comprenant une revue de la littérature, des entretiens avec des informateurs clés et l'analyse de données secondaires pour mieux comprendre le statut de la biofortification dans le pays et identifier les obstacles potentiels à l'expansion de la production et de la consommation d'aliments biofortifiés. Les données de l'enquête annuelle par sondage sur l'agriculture et des enquêtes sur la consommation et les dépenses des ménages ont également été analysées afin de caractériser la superficie des cultures biofortifiables actuellement en production et leur importance en termes de consommation totale.

Nos résultats indiquent que la biofortification est une intervention nutritionnelle potentiellement rentable pour l'Éthiopie, qui pourrait remédier aux inégalités en matière de malnutrition due aux micronutriments en fonction du lieu de résidence et du niveau de richesse. Cependant, le manque d'apports financiers et complémentaires pour soutenir les programmes de biofortification existants a été identifié comme un goulot d'étranglement critique pour leur mise à l'échelle. D'autres défis ont été identifiés, notamment l'absence d'une institution mandatée ou d'un organe de coordination axé sur la biofortification, ainsi que la lenteur de l'adoption des cultures biofortifiées en raison de la rareté des semences améliorées.

L'étude expose clairement les raisons pour lesquelles le gouvernement éthiopien et tous les organismes concernés devraient se concentrer sur la biofortification en tant qu'intervention nutritionnelle alternative et peu coûteuse, susceptible de soutenir fortement la lutte contre la malnutrition par carence en micronutriments, en particulier parmi les groupes de population ruraux et défavorisés. Le gouvernement prend certaines mesures pour améliorer l'accès aux semences biofortifiées et au système de la chaîne de valeur des semences.

Sur le plan institutionnel, l'absence de mandat confié à une organisation spécifique pour coordonner les activités de biofortification constitue un problème important. L'un des facteurs les plus importants contribuant à la faible adoption des cultures biofortifiées en Éthiopie est la disponibilité limitée des semences améliorées, principalement en raison de la médiocrité du système d'approvisionnement en semences. C'est pourquoi nous conseillons vivement d'améliorer l'accès aux semences biofortifiées tout au long de la chaîne de valeur du système semencier éthiopien. En outre, l'introduction de cultures biofortifiées devrait être ciblée sur les zones qui en ont le plus besoin, compte tenu des habitudes de consommation alimentaire existantes, et les activités de biofortification décrites dans la stratégie nationale pour l'alimentation et la nutrition devraient être mises en œuvre.

L'étude recommande que les chercheurs et les institutions de recherche s'engagent davantage dans les activités de biofortification, par le développement de variétés biofortifiées et la sélection contextuelle de cultures et de nutriments pour la biofortification. Nos résultats soulignent la nécessité de trouver des combinaisons de cultures et de nutriments qui permettent de remédier à l'accumulation colossale de carences en micronutriments au sein de la population vulnérable. Enfin, l'étude recommande que les initiatives de biofortification en Éthiopie donnent la priorité aux céréales qui sont principalement produites dans le pays, telles que le teff, le sorgho, l'ensète et l'orge.

La biofortification est un outil potentiellement puissant pour résoudre le problème de la faim inapparente en Éthiopie ; cependant, il existe de nombreux obstacles à l'intensification de ces efforts. Notre étude suggère qu'avec des efforts accrus de la part des institutions, des fonctionnaires et des chercheurs, il est possible de commencer à s'attaquer à ces problèmes et de faire une différence dans la réduction des carences en micronutriments.

L'étude complète peut être consultée ici.