Sommet du Forum sur les systèmes alimentaires en Afrique 2024 :
Promouvoir l’égalité des sexes et la nutrition pour une agriculture durable
Par Faith Gikunda
Le Forum sur les systèmes alimentaires en Afrique (AFSF) a toujours servi de plateforme centrale pour orienter les politiques et les pratiques agricoles sur le continent. En réunissant diverses parties prenantes, l’AFSF favorise les discussions qui encouragent le développement de systèmes alimentaires inclusifs et durables et traitent des questions majeures comme l’égalité des sexes et la nutrition. Le Sommet de l’AFSF de cette année, tenu du 2 au 6 septembre à Kigali, au Rwanda, a traité du thème « Innover, accélérer et développer : Transformer les systèmes alimentaires à l’ère du numérique et du changement climatique ».
Parmi les nombreux sujets critiques abordés lors des différentes sessions, le rôle des femmes dans l’agriculture et leur impact direct sur la nutrition et la sécurité alimentaire des ménages ont occupé le devant de la scène lors de la session du 3 septembre intitulée « Le genre dans l’agriculture et les systèmes alimentaires : perspectives africaines ».
Au cours du sommet, les discussions ont entre autres porté sur les liens critiques entre le genre, le changement climatique et l’accès aux ressources, telles que la terre et le financement. Les femmes, qui jouent un rôle central dans l’agriculture et la sécurité alimentaire font souvent face à des obstacles systémiques qui limitent leur accès à ces ressources essentielles. Relever ces défis permet non seulement d’autonomiser les femmes, mais aussi de contribuer à la constitution de communautés plus saines et plus résilientes, ce qui met en évidence le potentiel de transformation que recèlent des interventions intégrant la dimension de genre.
Le sommet a également souligné la nécessité d’adopter des approches collaboratives qui intègrent les perspectives de genre dans les politiques et les programmes portant sur l’action climatique. Les participants ont appelé à un accroissement des investissements dans les initiatives de renforcement des capacités, les réformes politiques et les mécanismes de financement inclusifs pour s’assurer que les femmes, en particulier celles des zones rurales, disposent de moyens nécessaires à l’adaptation au changement climatique et l’adoption de pratiques agricoles durables. Ces actions ont été jugées essentielles pour non seulement favoriser l’égalité des sexes, mais aussi assurer la durabilité environnementale et économique à long terme.
Genre et nutrition : un lien vital dans les systèmes alimentaires africains
Les femmes jouent un rôle majeur dans le paysage agricole africain, en contribuant de manière significative à la production, à la transformation et à la distribution des denrées alimentaires. Cependant, malgré leur contribution déterminante, les femmes sont souvent confrontées à des obstacles systémiques qui les empêchent d’accéder aux ressources essentielles, notamment la terre, le crédit et les technologies agricoles. Ces disparités sont aggravées par les effets du changement climatique, qui touchent les femmes de manière disproportionnée et menacent la sécurité alimentaire et la qualité de la nutrition, en particulier au niveau des ménages.
Les discussions ont mis en évidence le lien critique entre le genre et la nutrition.
« Dans la majorité des foyers, les femmes jouent un rôle central dans les tâches de soins, assumant la responsabilité d’assurer une alimentation nutritive à leurs familles », a fait remarquer Grace Mberia, directrice de programme à la Mastercard Foundation Fund for Resilience and Prosperity. « Ainsi, lorsque des phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses ou les inondations, liés au changement climatique perturbent les cycles agricoles, la capacité des femmes à maintenir la sécurité alimentaire est considérablement compromise. En outre, l’accès limité aux ressources restreint leur capacité à adopter des pratiques agricoles adaptées au changement climatique, qui pourraient, par ailleurs, atténuer ces difficultés. »
Lutter contre les inégalités entre les sexes pour améliorer les résultats en matière de nutrition
Il est ressorti du Sommet sur les systèmes alimentaires africains de 2024 que la prévention des inégalités entre les hommes et les femmes dans l’agriculture dépasse l’autonomisation économique : elle est essentielle à l’amélioration des résultats en matière de nutrition dans l’ensemble des communautés. Lorsque les femmes ont un accès équitable aux ressources telles que la terre, le crédit et le pouvoir de décision, elles ont les moyens de veiller à ce que les besoins nutritionnels de leur famille soient satisfaits. Cet accès a un impact direct sur la réduction de la malnutrition et l’amélioration des résultats en matière de santé, en particulier pour les enfants et les autres groupes vulnérables.
L’une des principales recommandations de la session consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes concerne le besoin urgent de politiques sensibles au genre, qui dépassent la simple reconnaissance du rôle des femmes. Ces politiques doivent activement lever les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder aux ressources dont elles ont besoin pour prospérer et nourrir leur famille. L’autonomisation des femmes dans l’agriculture, notamment grâce à l’inclusion financière et à la sécurité des droits fonciers, est essentielle pour obtenir de meilleurs résultats en matière de nutrition.
S’exprimant lors de la séance de clôture du sommet, Agnes Kalibata, présidente de l’AGRA, a salué la forte participation des femmes et des jeunes : « Les femmes et les jeunes sont des piliers essentiels des systèmes alimentaires en Afrique, et leur participation au Sommet du Forum sur les systèmes alimentaires en Afrique de cette année témoigne de leur volonté de participer à la transformation des systèmes de production et des modes de consommation alimentaires en Afrique. Nous devons constamment tirer parti de l’innovation pour orienter les politiques et les pratiques, en veillant à placer les femmes et les jeunes au centre de ces efforts ».
Le rôle de l’AFSF dans l’élaboration de politiques sensibles au genre
L’AFSF a porté le plaidoyer en faveur de l’égalité des sexes dans l’agriculture, en offrant une plateforme où les décideurs politiques, les partenaires au développement et les représentants de la société civile peuvent se réunir pour partager les bonnes pratiques, discuter des difficultés et élaborer des solutions réalisables. Le sommet de cette année a souligné la nécessité d’intégrer la dimension de genre dans les systèmes alimentaires, afin de promouvoir des pratiques agricoles plus inclusives et plus durables.
Le renforcement de la participation des femmes aux processus de prise de décision, tant au niveau communautaire que politique, afin de garantir que les politiques reflètent les besoins spécifiques des femmes, a également été un thème prioritaire du forum. Lorsque les femmes participent à la prise de décision, elles font souvent des choix qui ont des effets bénéfiques considérables, notamment en termes d’amélioration de la sécurité alimentaire des ménages, de nutrition et de résilience de l’ensemble de la communauté.
Les femmes du secteur agricole face aux questions du changement climatique et de la nutrition
L’impact du changement climatique sur la nutrition et la manière dont il affecte les femmes de manière disproportionnée ont été des thèmes récurrents du sommet. Du fait que le changement climatique modifie les saisons de croissance et réduit la disponibilité de diverses sources alimentaires, les difficultés des femmes à maintenir la qualité nutritionnelle des aliments qu’elles produisent s’accentuent. Cette situation a un effet direct sur la qualité de la nutrition dans les ménages, en particulier pour les enfants et les autres personnes vulnérables qui dépendent des femmes pour leur subsistance quotidienne.
Les participants à l’AFSF ont souligné la nécessité d’étendre les pratiques agricoles adaptées au changement climatique et sensibles à la nutrition pour soutenir les femmes dans l’agriculture. Il s’agit notamment de promouvoir les cultures à forte densité nutritionnelle, d’améliorer les technologies de conservation des aliments et d’investir dans la biofortification afin d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments de base. En fournissant aux femmes les ressources et les connaissances nécessaires leur permettant de s’adapter aux effets du changement climatique, il est possible d’améliorer de manière significative la productivité agricole et les apports nutritionnels dans les ménages.
Perspectives : sensibiliser les parties prenantes à l’importance de la question du genre et de la nutrition
L’un des principaux enseignements du sommet de l’AFSF est la nécessité de l’accentuation de la sensibilisation sur le lien entre le changement climatique, le genre, l’agriculture et la nutrition. De nombreuses parties prenantes, y compris les décideurs politiques, les partenaires au développement et les praticiens de l’agriculture, ne comprennent toujours pas pleinement le rôle essentiel que jouent les femmes dans la sécurité alimentaire et la nutrition. Ainsi, des politiques qui ne tiennent pas compte des sexospécificités continuent d’être mises en œuvre dans toute l’Afrique.
Pour corriger cette carence, le sommet a été l’occasion d’appeler à l’organisation de campagnes de sensibilisation à grande échelle afin de souligner l’importance de l’égalité des sexes dans l’agriculture et la nutrition. Ces campagnes devraient mettre l’accent sur le rôle de l’autonomisation des femmes dans l’amélioration des résultats en matière de nutrition et le renforcement des systèmes alimentaires. Les gouvernements, les organisations de la société civile et les partenaires au développement doivent collaborer pour assurer que les approches sensibles à la dimension de genre et à la nutrition soient intégrées dans toutes les politiques et tous les programmes agricoles, y compris ceux qui visent à apporter des solutions aux effets négatifs du changement climatique.
Nancy Rapando, responsable de l’initiative Africa’s Food Future au WWF, a souligné l’importance d’appliquer une perspective de genre lors de la conception des programmes relatifs aux systèmes alimentaires. « Nous ne pouvons pas ignorer le fait que les normes liées au genre jouent un rôle essentiel dans les interventions sur les systèmes alimentaires en raison des rôles assignés à chaque sexe dans le contexte africain. Par exemple, les femmes sont le pilier des ménages. Elles assurent la satisfaction des besoins alimentaires et nutritionnels du ménage ; par conséquent, leur autonomisation et leur participation influencent de manière significative les résultats nutritionnels de la famille », indique-t-elle.
Conclusion : promouvoir l’égalité des sexes pour améliorer la nutrition
L’AFSF 2024 a réaffirmé le rôle crucial que jouent les femmes dans l’agriculture et la nutrition. Alors que l’Afrique est confrontée aux difficultés liées au changement climatique et à l’insécurité alimentaire, il est plus important que jamais de veiller à ce que les femmes aient un accès égal aux ressources, au pouvoir de décision et aux opportunités. En promouvant des politiques sensibles au genre et en investissant dans des initiatives agricoles menées par des femmes, l’Afrique peut mettre en place des systèmes alimentaires plus inclusifs et résilients qui améliorent les résultats en matière de nutrition, pour tous.
La participation de l’organisation Inclusive Climate Change Adaptation for a Sustainable Africa (ICCASA) au sommet, par l’intermédiaire de l’initiative Gender, Climate Change, and Nutrition Integration (GCAN) de l’IFPRI, a permis d’attirer l’attention sur ces questions. L’organisation a fermement exprimé son engagement à défendre l’égalité entre les hommes et les femmes. L’ICCASA utilisera l’initiative GCAN comme une plateforme majeure permettant de conduire les changements nécessaires afin que les contributions des femmes soient reconnues et soutenues dans les politiques et les pratiques.
Faith Gikunda est la directrice du plaidoyer et de la communication d’Inclusive Climate Change Adaptation for a Sustainable Africa (ICCASA) et coordinatrice de projet au Kenya pour l’Initiative pour l’intégration du genre, du changement climatique et de la nutrition (GCAN).
FORMATION À DISTANCE SUR PRO-WEAI
En réponse à la demande croissante d’enquêtes sur l’indice de l’autonomisation des femmes dans le secteur agricole (WEAI), l’IFPRI a conçu une formation à distance sur l’outil pro-WEAI. Cette formation en ligne enseigne des compétences spécifiques liées à l’utilisation de l’outil pro-WEAI pour répondre aux besoins de divers utilisateurs : analystes quantitatifs, spécialistes du suivi et de l’évaluation, donateurs et superviseurs de terrain. Les participants recevront un certificat numérique à la fin de la formation.
Présentation générale des modules
Le module sur les fondements de l’outil Pro-WEAI est disponible en anglais, en français et en arabe. Ce module présente aux chercheurs et aux praticiens l’outil pro-WEAI, en traitant son contexte et son application pratique dans le cadre de projets. Il fournit des cadres conceptuels, des ressources et des approches pour intégrer les outils de l’indice dans les projets, sur la base des expériences réelles de l’équipe qui l’a développé. Le suivi du module complet sur les fondements est un prérequis pour tous les modules suivants. Plus d’informations