Sans investissements conséquents, le changement climatique mettra un frein au développement de l’Afrique,
selon un nouveau rapport du Panel de Montpellier
Dans le cadre de la « Semaine du Climat de New York », le Panel de Montpellier présente les priorités d’investissement afin de protéger la production alimentaire africaine et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
LONDRES, le 25 septembre 2015 – Dans un nouveau rapport publié ce jour, les experts en agriculture et développement du Panel de Montpellier mettent en garde contre le risque d’entrave au développement de l’Afrique posé par la faiblesse des investissements dans des stratégies d’adaptation et d’atténuation du changement climatique pour les petits exploitants agricoles africains
Le rapport, intitulé Les exploitations agricoles au cœur du changement : comment les petits exploitants africains font face à un avenir climatique incertain, dénonce le manque de financement comme principale limite à la mise en œuvre de projets d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets en Afrique. Le coût annuel de l’adaptation au changement climatique pour la période 2010 à 2050 est estimé à au moins 18 millions de $US rien que pour l’Afrique subsaharienne et pourrait atteindre 50 milliards de $US pour le continent dans son ensemble.
Pourtant les fonds que touchent actuellement les pays africains sont d’un montant dérisoire, selon le rapport. Entre 2003 et 2013, l’Afrique subsaharienne a reçu à peine 2,3 milliards de $US sur les 34 milliards de $US promis à travers différents fonds pour le climat, et sur cette somme, seuls 45% ont été alloué à des projets d’adaptation. Pour l’instant, le Nigéria et l’Afrique du Sud sont les seuls pays à avoir touché un soutien du Fonds pour les technologies propres (FTP) pour développer l’énergie solaire et éolienne.
Le document appelle les bailleurs de fonds et les gouvernements à augmenter leurs investissements afin d’éviter des problèmes qui auraient des conséquences désastreuses sur le développement du continent africain, notamment :
- De graves pénuries alimentaires : les températures médianes en Afrique s’élèveront plus rapidement que la moyenne mondiale, et les pertes agricoles dans la région atteindront 2% à 7% du PIB d’ici 2100.
- Une hausse de la malnutrition infantile: d’ici 2050, l’augmentation de la faim et de la malnutrition infantile pourrait atteindre 20% sous l’effet du changement climatique.
- Des migrations non planifiées: au cours de la seule année 2012, on comptait au moins 32 millions de personnes déplacées dans le monde en raison de catastrophes soudaines dues au climat. Ces mouvements de population ont souvent pour conséquences des conflits et des dégradations environnementales supplémentaires.
- Une flambée des prix alimentaires: on estime qu’en raison du changement climatique, les prix du maïs, du riz et du blé seront plus élevés de respectivement 4%, 7% et 15% en 2050.
- L’exacerbation de la pauvreté: à mesure que le changement climatique perturbe les cycles des précipitations, les exploitants agricoles africains qui dépendent d’une agriculture pluviale risquent de glisser encore plus bas dans la pauvreté.
Le rapport plaide pour un partage du financement entre le public et le privé, mais en laissant les autorités locales décider de l’allocation des fonds selon les besoins. Il analyse les différentes possibilités de financement offertes par les mécanismes multilatéraux aux petits agriculteurs ainsi que les dispositifs comme les marchés du carbone.
Alors que la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de Paris approche, et que de plus en plus de pays développés dévoilent leurs engagements en la matière, le texte souligne l’importance d’un soutien financier adéquat pour aider les pays africains à faire face au changement climatique.
« Les progrès réalisés dans la lutte contre la faim et la pauvreté en Afrique ces vingt dernières années n’auront servi à rien si on n’agit pas pour contrer les effets du changement climatique, » estime le professeur Sir Gordon Conway, directeur du groupe Agriculture for Impact, basé à Londres, et coordinateur du Panel de Montpellier.
« Les petits agriculteurs africains ne peuvent sortir de la pauvreté que s’ils ont les moyens de s’adapter à un climat changeant, et cela exige des investissements importants, à grande échelle, » ajoute Sir Gordon Conway.
Le rapport plaide aussi pour l’adoption généralisée des pratiques d’Intensification Durable (IS), qui visent à accroître la production alimentaire tout en préservant la base de ressources naturelles dont dépend l’agriculture. Parmi les pratiques d’IS, on peut citer l’introduction de cultures qui fixent l’azote et améliorent la qualité des sols, ou encore celle de variétés de maïs résistantes à la sécheresse. Le document précise que certaines interventions nécessitent un investissement de la part du secteur privé, par exemple pour la mise en place de systèmes d’irrigation à petite et à grande échelle.
En même temps, le rapport maintient que les petits exploitants agricoles peuvent aussi être des acteurs du changement, et participer à la diminution des émissions globales de carbone qui sont à l’origine du changement climatique.
« Si l’on offre aux agriculteurs les possibilités et les incitations adéquates, ils peuvent jouer un rôle moteur dans le développement agricole durable, qui renforce la résilience et contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) » souligne le Dr Ousmane Badiane, directeur Afrique de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).
« Le changement climatique représente une opportunité économique en termes de techniques innovantes et de création d’emplois dans les secteurs sensibles aux variations du climat, c’est-à-dire non seulement l’agriculture, mais aussi les secteurs de l’eau et de l’énergie, » ajoute la Dr Camilla Toulmin, ancienne directrice de l’Institut International pour l’Environnement et de le Développement (IIED) et co-présidente du Panel de Montpellier.
Parmi les actions que le Panel de Montpellier recommande aux bailleurs de fonds et aux États dans ce nouveau rapport, on peut citer :
- Des investissements pour améliorer la surveillance météorologique, mais aussi dans la recherche afin de comprendre les réactions des différentes cultures et races de bétail aux inondations, à la sécheresse et au stress thermique.
- L’amélioration des estimations du nombre de personnes qui souffriront d’insécurité alimentaire et nutritionnelle, afin d’élaborer des stratégies de renforcement des capacités de résilience.
- Un soutien aux efforts des petits exploitants agricoles pour réduire et compenser les émissions de GES, et des investissements dans les interventions qui favorisent la capture du carbone dans les sols, entre autres l’agroforesterie et les bonnes pratiques de gestion relatives à l’utilisation des sols.
- L’amélioration des mécanismes de financement du climat afin de faciliter l’accès des gouvernements africains à des fonds qui profitent largement aux petits agriculteurs.
- Un renforcement du leadership politique, du fonctionnement des marchés et des instruments réglementaires, afin de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies d’adaptation et d’atténuation qui profitent aux petits agriculteurs.
Le Panel de Montpellier :
Le Panel de Montpellier réunit des experts européens et africains des domaines de l’agriculture, du commerce, de l’écologie et du développement mondial. Son président est le professeur Sir Gordon Conway, directeur d’Agriculture for Impact, une initiative de plaidoyer qui coordonne le Panel. Depuis mars 2010, le Panel de Montpellier travaille à l’élaboration de recommandations pour permettre aux gouvernements européens de mieux soutenir les priorités nationales et régionales en termes de développement agricole et de sécurité alimentaire sur le continent africain.
Contact presse :
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